La restitution du tambour Ébrié « Djidji Ayôkwé » à la Côte d’Ivoire : un acte symbolique et diplomatique fort

Par Anne-Laure Linet

Le tambour Ebrié « Djidji Ayôkwé », confisqué par les colons français à la chefferie traditionnelle de la communauté des ébrié dans la région d’Abidjan en 1916, va retourner en Côte d’Ivoire grâce à la signature, le 18 novembre 2024, d’une convention de dépôt entre la France et la Côte d’Ivoire. En effet, Rachida Dati, la ministre française de la Culture, et Françoise Remarck, ministre de la Culture et de la Francophonie de la République de Côte d’Ivoire, ont signé cet acte de restitution temporaire du tambour en attendant sa restitution définitive. Il s’agit donc de la première étape de la restitution du tambour, lui permettant d’être prochainement exposé au Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire (MCCI) à d’Abidjan, après avoir été conservé au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac. 

La restitution par la France à la Côte d’Ivoire du tambour « Djidji Ayôkwé » est un symbole culturel fort. En effet, ce tambour , qui appartenait aux Ébriés (aussi appelés Tchaman), était un canal de communication puissant : il permettait notamment de prévenir la population en cas de danger ou encore de convoquer les habitants des villages à certains rassemblements. Il avait tout spécialement été utilisé pour prévenir la population lors des approches des forces coloniales françaises, en utilisant un système de messages codés. L’utilité de ce tambour ayant été identifiée par les forces coloniales, il avait été confisqué à Adjamé, une commune d’Abidjan et son retour annoncé est un geste fortement symbolique. 

Il est important de noter qu’il s’agit, à ce jour, d’un dépôt longue durée et non d’un transfert de propriété. En effet, une restitution nécessite l’adoption d’une loi afin de surmonter l’obstacle juridique de l’inaliénabilité de ce bien qui fait toujours partie des collections publiques. Pour ce faire, une proposition de loi de la Sénatrice Catherine Morin-Dessailly doit bientôt être examinée par le Parlement français pour permettre le déclassement du tambour des collections publiques puis le transfert de propriété du tambour. Catherine Morin-Dessailly, ancienne présidente de la Commission des Affaires Culturelles du Sénat, est toujours largement impliquée dans la dynamique de restitution des biens culturels issus de contextes coloniaux. En tant que sénatrice, elle est une voix active et influente en France dans la reconnaissance de l’importance de restituer aux pays africains les biens acquis dans des contextes problématiques. 

Depuis l’intervention du président Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017, la France a multiplié les mesures concrètes pour retourner aux pays africains les biens culturels ayant été pillés durant la période coloniale. Cette politique s’inscrit dans un mouvement plus large visant à réparer les injustices du passé et à rééquilibrer les relations entre la France et les nations africaines. La restitution du tambour Ébrié s’inscrit dans ce processus, avec une attention particulière portée à la coopération franco-ivoirienne. Cela a impliqué des négociations avec les autorités ivoiriennes, le musée Quai Branly – Jacques Chirac à Paris, ainsi que des experts en patrimoine pour garantir que la restitution se fasse dans le respect des conditions de conservation et de préservation nécessaires.

Ainsi, cette première étape de la restitution du tambour Ébrié revêt une signification double : elle est, à la fois, une réparation historique et un acte de réconciliation entre les peuples. Pour la Côte d’Ivoire, le retour de cet objet symbolise la reconquête d’un patrimoine culturel pillé au cours de la colonisation. Mais au-delà de l’aspect historique, ce geste ouvre aussi la voie à de nouvelles relations fondées sur le respect et la coopération. La France accepte ainsi d’aborder la question de la mémoire coloniale de manière constructive, en reconnaissant les torts du passé tout en contribuant à l’avenir des relations entre les peuples.

Françoise Remarck, ministre de la Culture et de la Francophonie en Côte d’Ivoire, et Rachida Dati, ministre de la Culture en France. Crédit : LinkedIn – Rachida Dati

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