Par Claire Touchard
Marcel Wormser nous a quittés le 4 août 2021, à 91 ans.
Un homme d’une exquise courtoisie, d’une culture et d’une intelligence remarquables disparaît. Son dernier combat et non des moindres, aura été la question des restitutions de biens culturels, pour s’insurger contre l’injustice et restaurer la mémoire, face à la résistance de l’Etat à rendre ce qui doit l’être, et tout particulièrement les MNR qui demeurent dans les entrepôts de nos musées, sans provenance et sans famille. Comment ce banquier, accaparé par ses multiples activités et centres d’intérêt et malgré le poids des années s’est-il emparé de cette problématique, avec une telle vigueur et une telle ténacité ?
Marcel Wormser consacrait une partie de son temps à de nombreuses personnes, quelle que soit leur origine, offrant toujours une écoute attentive et son aide. Mercédès Estrada en faisait partie. Elle lui avait demandé de venir à son secours dans sa quête pour obtenir la restitution d’un portrait de Thomas Couture ayant appartenu à son grand-père, Georges Mandel.
Marcel Wormser ne s’était jamais penché sur la question des restitutions. Il découvre que l’Etat ne remplit visiblement pas les engagements qu’il a signés lors des accords de Washington, en 1998. Pire, affiche une volonté délibérée ne pas restituer en refusant de faire les recherches sur les dossiers qui lui sont soumis par des familles. Il est indigné et s’engage à apporter son soutien actif à Mercedes. Indigné comme il l’avait été par l’état de la stèle commémorative de Georges Mandel, abattu par la milice, le 7 juillet 1944, dans la forêt de Fontainebleau et qu’il fait restaurer avant d’héberger l’association au sein des Amis de Georges Clémenceau dont il est le Président depuis la disparition de son père. Marcel Wormser veut faire changer la loi pour que les restitutions s’accélèrent.
Le moment est propice pour mettre une pression accrue sur les institutions car le ministère de la Culture vient de publier un rapport qui dresse un état des lieux de la gestion des biens culturels spoliés présents dans les institutions culturelles nationales et plus largement publiques.
En 2000, selon la mission Mattéoli, 2 143 œuvres « Musées nationaux récupération » (MNR) étaient conservées par les musées. En 2018, elles étaient encore 2 100… (Sans compter les dizaines de milliers de livres, de meubles, d’objets, et d’instruments de musique acquis ou reçus par les musées depuis la guerre, ayant fait auparavant l’objet de spoliation.)
Avec le soutien de Bénédicte Savoy professeure au Collège de France, Marcel Wormser crée alors une sorte de think tank auquel il invite les différents protagonistes institutionnels et privés, avocats et familles spoliées, à proposer les évolutions jugées indispensables qu’il réunira dans une lettre adressée au Président de la république. De fait, en juillet 2018, le premier ministre Edouard Philippe annonce de nouvelles mesures et la création d’une mission de recherche de provenance, digne de ce nom. Volonté affichée de rompre avec les mauvaises habitudes du passé. Mais sans moyens…
Marcel Wormser enrage à l’idée que les près de 2 000 MNR ne puissent « retrouver leur famille » avant longtemps encore. Astres naît alors de sa volonté et de celle de Dominique Schnapper d’aiguillonner l’institution pour provoquer une véritable révolution mentale, pousser à l’émergence de compétences professionnelles spécifiques, financer des projets de recherche pour aller plus vite.
Les projets d’Astres prennent forme. Le sourire malicieux, et la générosité de Marcel Wormser nous accompagnent.