VÉRITABLE PRISE DE CONSCIENCE OU ÉCRAN DE FUMÉE :
Le MET est-il sincère dans son intention de développer la recherche de provenance ?
The Metropolitan Museum of Art de New York, immense institution, se retrouve ces dernières années au cœur d’investigations sur la provenance de ses collections, lesquelles se soldent régulièrement par ce constat : le Met est propriétaire d’œuvres pillées, spoliées, volées, issues de trafics et transactions malhonnêtes, que l’on compte en centaines (voire en milliers). Il a plusieurs fois été épinglé pour cette raison au cours de la campagne menée contre le trafic d’œuvres d’art par le procureur de l’Etat de New York, Alvin Bragg, depuis 2020.
La direction du musée, probablement consciente de l’image trouble que ces recherches non sollicitées renvoient, annonce prendre les devants relativement à cette question, par une lettre ouverte de Max Hollein, directeur du Met, en date du 9 mai 2023. Il déclare former une équipe de chercheurs de provenance pour seconder les conservateurs, ainsi qu’une commission de dix-huit professionnels pour garantir une meilleure déontologie des collections. Le Met étant le plus grand musée d’art des Etats-Unis, il y a fort à parier que les autres voudront lui emboiter le pas, à l’instar du Guggenheim et du Getty.
Cette annonce, qui prend acte des enjeux liés à l’éthique des musées fait grand bruit, et pourrait aisément nous convaincre de la bonne foi de l’institution. Mais qu’en est-il réellement ?
Certes, la création d’une branche de recherche de provenance spécifique est louable, dans la mesure où elle confère ses lettres de noblesse à la discipline, qui n’était auparavant qu’un aspect -très- secondaire du travail des conservateurs. L’effectif de l’équipe nouvellement engagée (quatre personnes, à savoir un chercheur-encadrant qui coordonnera les travaux de trois subordonnés, soit la plus nombreuse jamais déployée par un musée) semble également suffisante, bien que sa mission soit colossale – le Met possède plus d’1.5 millions d’œuvres.
Cependant, l’on ne peut que remarquer que, d’une part, cette initiative intervient à la suite de plusieurs scandales, ce qui nous permet de questionner l’authenticité de la démarche du Met : ne s’agirait-il que d’un écran de fumée alors que les investigations incriminant les collections vont en s’accentuant et que chaque nouvelle trouvaille jette encore un peu plus l’opprobre sur le musée ?
Et d’autre part, que Max Hollein, dans son communiqué, se flatte d’avoir restitué des biens spoliés par les nazis aux familles juives ; il fait mention d’une « proud history » du musée, et à plusieurs reprises, il présente les nouvelles démarches du musée comme une manière de renforcer la position du Met, pour en faire « une institution encore plus forte, et une voix plus puissante au sein de la communauté » (« an even stronger institution and a more powerful voice within the global community ») : or, s’il s’agit là de la seule motivation pour réinjecter de la probité dans les acquisitions et conservations d’œuvre, cela laisse bien plus penser à une vaste opération de communication qu’à un véritable changement de mentalité des institutions muséales…
Cela dit, laissons néanmoins le bénéfice du doute au musée, en saluant ces initiatives, qui, si elles prennent véritablement forme dans les prochaines années et accomplissent la tâche qui leur est dévolue, pourront, quelle que soit l’intention première du Met, s’avérer très bénéfiques.
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